Demain, un transport autonome de MAAS ?

Partout dans le monde, des territoires et acteurs des transports s’activent pour faire de la « mobilité comme service » le modèle de nos déplacements urbains de demain. Le principe : passer de la voiture individuelle à un mix de services publics et privés de mobilité, fournis à l’usager via une interface unique de paiement et d’information. Plus encore, certains imaginent une « mobilité comme service » autonome. C’est le cas de Michel Parent, pionner du transport urbain automatisé et expert associé à inOut.
La mobilité comme service expliquée
Remplacer la voiture individuelle par une combinaison intelligente de transports publics et privés, collectifs et individuels, motorisés ou non motorisés, pour façonner une ville moins congestionnée, plus sobre et plus agréable à vivre, c’est la promesse de la « mobilité comme service », aussi appelée Mobility as a service (MAAS). Le tout facilité par une interface unique permettant non seulement d’être informé en temps réel sur les trajets à privilégier mais aussi de payer l’ensemble des transports via un forfait, à l’instar des factures d’énergie.
Comme le souligne Michel Parent, spécialiste des transports automatisés : « l’automobile n’est pas une aberration en soi, mais elle est une aberration dans le milieu dense d’un centre-ville qui ne peut absorber des engins personnels d’1 à 2 tonnes, grands consommateurs d’espace via les places stationnement ou les routes. Une autoroute urbaine de 3 voies fait par exemple passer 6000 passagers à l’heure contre 60000 pour un RER ». A ce titre, il propose de réserver les automobiles « aux zones moins denses, aux transports d’urgence ou de commerce, aux personnes les plus fragiles » et considère que seul un « bon équilibre entre services de mobilité – transports lourds rapides, transports individuels motorisés ou non, marche à pied – permettra de dépasser le modèle de la voiture individuelle, qui reste dans de nombreux cas le moyen le plus rapide d’aller d’un point A à un point B ».
La mobilité en 2112
Mais à quoi ressemblerait la journée-type d’un usager dans ce monde de la mobilité autonome comme service ? Dans le long article « 2112, Paris à grande vitesse », Michel Parent s’était livré à cet exercice de prospective. Résumons : dans la ville du 22ème siècle, les longs trajets sont exceptionnels car celle-ci est « distribuée » en pôles forts, interconnectés, et que le travail se déroule à domicile ou dans des centres locaux de télétravail. Le nouveau système de transports repose sur des concepts d’efficacité énergétique et de bien-être physique. Les modes doux (marche ,vélo) sont privilégiés à l’aide d’aménagements urbains et d’incitations comme le crédit-santé dont le solde – positif ou négatif – influe sur les tarifs de transport. Pour les grandes distances, des Voies à grande vitesse (VGV) survolent la ville et transportent automatiquement les passagers de 100 à 200 km/h en remplacement des autoroutes et voies urbaines. Entre les deux, toute une gamme de véhicules électriques autonomes est à disposition des voyageurs individuels et des petits groupes. Tous ces modes de transport font l’objet d’une approche intégrée, via un opérateur et un système de renseignements et de paiement uniques, sur la base d’une tarification dynamique. A chaque déplacement, l’utilisateur reçoit des informations sur sa destination, la nécessité d’y aller, et les divers modes de transport disponibles classés selon les critères suivants : durée, confort, coût et impacts sanitaires et écologiques. Les besoins en parking ont quasiment disparu, les chaussées urbaines ont été reconverties en jardins ou en terrasses de restaurant. Si l’usager est nostalgique des transports dont les anciens lui parlaient, il peut utiliser le tramway périphérique conservé à des fins touristiques, ou se rendre au musée des transports, où il pourra tester avec sa famille l’un de ces véhicules à conduite manuelle d’antan sur un circuit réservé.
L’avenir proche d’une utopie réaliste
Plus qu’une chimère nourrie de l’imagerie d’un Metropolis de Fritz Lang, cette projection a tout d’une utopie réaliste qui prend déjà forme. A Oslo, Singapour et dans d’autres parties du monde, la mobilité comme service constitue déjà le socle des politiques de transport des territoires.
Pour autant, les défis à relever pour basculer dans ce nouveau monde de la mobilité urbaine sont nombreux, rappelle Michel Parent. Prenant l’exemple des navettes autonomes, il note que les solutions actuelles ne permettent pas encore d’asseoir un modèle économique soutenable, même s’il mise sur un phénomène analogue à celui du coût du séquençage ADN, observant « une baisse rapide des prix des composants, avec des investissements croissants des constructeurs ». Outre l’enjeu de la soutenabilité économique de ces solutions, il s’agit également de faire évoluer les réglementations pour développer les mobilités autonomes, de garantir la sécurité des réseaux de communication et des infrastructures software et hardware. A cet égard, Michel Parent prédit « qu’une cyberattaque commise demain sera beaucoup moins acceptée par les usagers qu’une erreur humaine qui engendrerait un accident aujourd’hui». Enfin, l’environnement de la mobilité autonome comme service suppose de déployer une politique urbaine ambitieuse, concertée et intégrée, qui redessinerait totalement la ville.
Face à de tels enjeux, à quel horizon raisonnable peut-on envisager la traduction concrète de ce changement de paradigme ? « Tout sera question de volonté politique » répond Michel Parent. « Si on conserve l’organisation actuelle des transports, je pense comme les spécialistes de la question que ce modèle n’émergera pas avant 2050 voire 2070. En revanche, si on adapte dès maintenant les territoires, le changement interviendra à très court terme , presque immédiatement». Une chose semble sûre en tout cas : la mobilité autonome comme service n’attendra pas 2112 pour s’imposer.
Diplômé de Sup’Aéro et docteur en informatique, Michel Parent a débuté sa carrière à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) dans les domaines de la modélisation et de la robotique, avant de contribuer à plusieurs programmes de recherche en automatisation à l’université de Stanford et au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Au début des années 1990, il lance avec l’INRIA le programme Praxitèle, premier système de transport public basé sur des véhicules électriques en libre-service. A partir des années 2000, il coordonne le projet européen Cybercars puis intervient comme conseiller scientifique du programme « la route automatisée » de l’INRIA. Président d’ Automation Kits for Autos and Buses (AutoKab), il est l’auteur du site www.cybercars.fr. En mars prochain, Michel Parent animera à inOut un atelier consacré à l’automatisation des véhicules.
Crédits photo : Lukas Robertson
Publié le 13 novembre 2017
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